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La harpe du driseoc
9 juin 2010

* Les métamorphoses de Lüvarh (1/2)

Texte-contes-Nuit

Aujourd'hui, le général Oovath, qui défendait la citadelle depuis toujours, a été tué.

Toujours... Pour Luyarh, ça a commencé dans la pénombre confortable et chaudement sucrée de la salle où il a pour la première fois ouvert les yeux. Il a senti qu'on le portait ailleurs et puis qu'on le déposait. D'abord, il ne s'est occupé de rien. Il a laissé sa bouche se remplir de la douce odeur de la salle sombre, jusqu'à bien souvent, ne plus rien pouvoir avaler, et puis petit à petit, il s'est mis à entendre et à voir, à écouter et à regarder. Il a vu la lumière dorée qui, partout dans la citadelle, philtre et brille en tous lieux. Il a vu les ombres rassurantes qui se penchaient pour lui apporter le liquide à l'odeur de la pièce sombre. Il était bien.

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A un moment donné, l'une de ces formes s'est penchée un peu plus et l'a emporté. Elle l'a déposé dans une petite bulle de cristal, dans la salle sombre, et là, elle l'a laissé seul. Il a d'abord eu peur, peur de ne plus voir la nourriceuse, et puis il a constaté que l'air de ce lieu avait le goût de la chose sucrée. Il s'est senti comme au tout-début. Il s'est endormi, tranquille.

A son réveil, il a eu une sensation désagréable. Comme si autour de son être une chose avait changé. Il a voulu passer les pales de ses bras sur son corps, pour palper, et il a senti que leur forme avait changé, et senti aussi que son buste avait pris une consistance qui n'était plus celle par laquelle il aimait à se caler dans les angles de sa cuve de verre, pour jouer avec les taches de lumière. Comme tout ça l'inquiétait, il est sorti de la bulle de cristal, où l'air avait pourtant un si bon goût, et il s'est rendu compte que le bas de son corps aussi avait changé et qu'il avait maintenant deux jambes, comme les nourriceuses, mais il ne pouvait pas se tenir dessus comme elles.

Il n'avait pas eu le temps de se questionner beaucoup sur cette étrangeté car déjà, l'une d'entre elles l'avait soulevé, placé dans un grand panier avec d'autres, et le conduisait à une salle où se trouvaient déjà des tas, et tes tas, et tes tas d'autres larves. Luvarh ne s'était pas préoccuppé de leur nombre. Il ne savait pas compter. Il s'était contenté de jouer avec les autres et avec les éveilleuses. Plusieurs fois par cycle de lumière, les nourriceuses amenaient de nouvelles larves pour jouer avec eux, et aussi souvent qu'ils le voulaient, elles leur donnaient le liquide qui a l'odeur de la pièce sombre. Chaque cycle de lumière, aussi, elles emmenaient des larves hors de la pièce. Aucun ne s'en souciait jamais. Ceux qu'elles emmenaient étaient toujours depuis déjà plusieurs cycles, ronchons et renfermés, refusant de jouer à quoi que ce soit. En général, c'était quand ils cessaient de manger qu'elles les emmenaient, mais parfois c'était parce qu'ils s'étaient mis à se frotter le dos aux arrêtes des cristaux. Luvarh ne s'en était pas soucié, même quand il avait commencé à ne plus avoir envie de jouer à rien et à grogner aux moindres propos des éveilleuses. Et puis, presque brutalement, il avait eu l'impression que sa peau l'étouffait et avait cherché à la déchirer. Avant qu'il aie même eu le temps de comprendre, il s'était retrouvé enfermé dans la moiteur sucrée et délicieusement nocturne de la pièce sombre, là où l'air a si bon goût et où rien ne peut arriver. Il s'était endormi, rempli de bien-être.

A son réveil, il n'avait pas été vraiment surpris de constater que ses bras et ses jambes avaient encore jambé de forme, que sa peau avait encore durci, que son acuité visuelle s'était accrue, de même que son ouïe, et qu'il pouvait se tenir debout, à présent. Il constata aussi que, s'il était à l'évidence plus grand qu'avant, il était par contre plus petit que les nourriceuses. L'une d'entre elles l'avait groupé avec d'autres, et les avait menés tous ensemble jusqu'à une salle comparable à celle où il avait joué étant larve, mais plus grande, et au lieu de jeux, ici il y avait des tables, des grimoires et une grande porte ouverte sur un endroit avec plein, plein, plain de lumière, et des odeurs presque aussi sucrées que celles de la salle sombre. Son premier mouvement avait été vers cette porte, mais une éveilleuse l'en avait écarté et lui avait expliqué qu'il ne fallait attendre un peu, parce qu'il était sorti trop fraichement de sa cellule et que l'air du dehors lui ferait du mal. Il avait écouté, tout en se demandant pourquoi dans cette salle, certaines éveilleuses n'avaient pas d'ailes. Il n'avait pas posé la question. Il s'était habitué. Ici, il y avait des éveilleurs aussi.

Luvarh était resté longtemps dans cette salle, et peut-être plus longtemps encore dans le jardin. Il aimait apprendre les sciences, mais plus que tout, il raffolait du tir à l'arc. Comme dans l'autre salle, tous les cycles solaires, les nourriceuses et les nourriceurs amenaient des nouveaux. Tous les cycles solaires, il emmenaient ceux qui ne se nourrissaient plus ou avaient tenté de se déchirer le dos. Certains, dans la salle, cherchaient à expliquer ce phénomène. Luvarh se contentait de savoir que c'était comme ça. Certains disaient qu'il suffisait de rester toujours plein d'entrain pour ne pas être emmené. Luvarh se contentait de savoir que tôt ou tard, ça lui arriverait aussi.

Ce en quoi il se trompait... Car il avait quitté la salle suite à un accident dans le jardin. On l'avait emmené, une flèche en travers du corps, et conduit dans la salle sombre. Là, on avait retiré la flèche, mis un emplâtre et on l'avait enfermé dans une cellule de cristal à l'air étrangement parfumé. Ca n'était pas le même que les autres fois. Mais il s'était endormi d'un long sommeil réparateur.

A son réveil, une fois encore, il s'était trouvé changé. La petite fissure, sur son front, s'était changée en troisième oeil, semblable à celui des nourriceuses et des éveilleuses. Ses oreilles étaient devenues de longues pointes et s'orientaient doucement pour guetter les sons les plus infimes. Sa peau était devenue plus résistante, tout en conservant toute sa souplesse.

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Il n'avait pas été surpris qu'on lui fasse signe de rejoindre un petit groupe qui attendait près d'une porte qu'on vienne les chercher. Comme sans doute tous les autres, Luvarh s'attendait à être conduit dans une autre salle, avec un plafond de verre, et un jardin, et des compagnons et compagnes de son âge. Au lieu de ça, on leur avait fait suivre un long couloir, puis encore un autre, et puis encore un autre. Vint finalement une grande salle, mais elle n'était pas remplie de jeunes gens de leur âge, ni d'éveilleurs. Seulement d'arc, de carquois, d'épées, de poignards et de lances. On les avait armés chacun de l'arme à laquelle ils s'étaient le plus illustrés jusque là.

Luvarh avait été fort déçu de se voir octroyer une épée... Certes, il y excellait, mais ça n'était pas ce qu'il préférait. L'un des gardiens de la salle avait bien voulu perdre un peu de temps à lui expliquer que si la cité était contente de lui, on lui donnerait une deuxième arme en récompense et que celle-là serait à son choix. Nouvelle réjouissante... Mais comment se rendre digne d'une arme nouvelle quand on doit jour et nuit marcher sur le chemin de ronde et guetter un horizon d'où il ne vient jamais aucun danger?

Luvarh avait fini par échanger son épée avec Miglia, qui était depuis peu fort gênée pour tirer à l'arc, par le développement précoce et rapide de ces excroissances dans le dos qui la désignaient comme une femelle. Au moment de cet échange, l'un et l'autre savaient que de toutes façons, ça ne serait que de courte durée. Ils avaient tous les deux remarqué que chaque fois que se finissait un cycle de lumière, ceux qui n'avaient pas mangé, au réfectoire, ou qui présentaient des déchirures en quelque endroit du corps que ce soit, étaient emmenés à l'intérieur.

On en voyait revenir certains, changés à nouveau, porteurs d'une force nouvelle et le troisième oeil devenu comme un jet de lumière. D'autres ne ressortaient pas. Sûrement, c'était dans la cité elle-même qu'on avait employé leurs talents.

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Comme ce texte est assez long, je le posterai en deux fois.

Il ne s'agit cependant pas de chapitres distincts.

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