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La harpe du driseoc
19 juin 2010

* Il était une fois (chapitre 12/15)

Texte_Brea

 

Le pâturage où campait le clan quand le vieux Maol est mort n'était pas mauvais.

Les éclaireurs menés par Donnos n'en ont pas trouvé de meilleur. Ceux menés par Robios non plus. Ni ceux menés par aucun des petits-fils de Culantos. Bréa a ordonné à ses serviteurs de couper de grands arbres pour faire sous la terre une hutte à son père, comme cela a été fait pour Epocatos. Donnos, qui a vu, lors d'un voyage d'échange, faire une tombe avec des blocs de pierre a proposé d'en faire une pareille, mais personne, dans le camp, ne sait comment faire, et sûrement, d'ici que les serviteurs aient mis les rocs en place, le corps aura pourri.

Bréa a bien pensé à faire du corps une poupée funéraire, comme il a vu faire par des gens, aussi, lors de voyages d'échange, quand il était jeune, pour garder le mort plus longtemps, mais il n'est pas trop sûr de savoir comment faire.

Alors, finalement, la tombe sera de bois et de terre. Quand l'herbe y aura repoussé, plus rien n'indiquera que le sage Maol repose là. Bréa a du mal à s'y faire, alors il se rend chez un homme qui, dans le clan, est réputé un peu sorcier parce qu'il ne vit que des figurines qu'il sculpte et des herbes qu'il cueille. Personne ne s'inquiète de le voir aller s'asseoir devant cet homme dangereux. Lui-même n'est-il pas sensé disposer de puissants pouvoirs ? On les regarde de loin avec un peu de curiosité mais sans plus.

Le sculpteur est boiteux depuis sa naissance. Très profondément boiteux. Trop pour chasser. Trop pour porter une lourde charge. Trop pour se battre. Ses gros doigts sont, par contre, extraordinairement habiles. Bréa tourne et retourne une figurine, puis une autre, puis une autre encore. Celle-là, c'est une femme portant un enfant. Celle-là, c'est un oiseau. Celle-là, c'est un cheval dans le cercle du soleil. Celles-là sont des parures pour mettre sur le frontal des chevaux. Ces autres sont des ornements pour les piquets des tentes. Le sculpteur, sûrement, se demande ce qui a bien pu conduire le grand Bréa a venir chez lui en personne pour un objet d'une telle importance.

Mais Bréa n'est pas venu pour orner sa tente ou le harnachement de son cheval. Il veut que le sculpteur fabrique une image plus grande. L'image d'un vieil homme sage comme Maol et terrible comme Epocatos.

Le sculpteur hoche la tête longuement, puis, sans répondre, se lève en disant « je vais chercher du bois ».

Bréa comprend qu'il n'y arrivera pas seul. Il lui faudra de l'aide. Il enverra ses gens... Et puis, il leur fera ramener encore du bois pour construire une grande maison de réunion. Ce territoire est vaste. Depuis que les troupeaux y pâturent, les familles s'éparpillent parfois. Surtout à la belle saison. Un lieu de réunion serait bon.

Culantos et les siens ont l'oeil rivé sur les troupeaux de gens installés un peu plus loin, de l'autre côté d'une grosse rivière. Robios dit que ces gens n'ont pas de lames en bronze ni de chevaux mais que leurs greniers sont bien garnis et qu'ils ont des étendues entières de plantes à faire du fil.

Déjà, le chef reprend de l'influence. Bréa le sent. Il ne peut pas y faire grand-chose. Il ne peut qu'espérer, mais sans trop y croire, que les pillages ne se feront pas. Le clan a trop de jeunes gens et ces gens ont trop besoin de se battre. Avant deux ans, il en est sûr, les gens de l'autre côté de la rivière verront les cavaliers aux lances brillantes comme le feu bondir sur eux.

Bréa, depuis deux hivers, a mal au dos. Il sent venir le moment où il fera partie des « anciens ». Ce n'est pas que l'idée d'être un vieil homme respecté lui déplaise, mais il est déjà tellement dans le clan, qu'il n'a pas l'impression que cela puisse lui apporter grand-chose. Il ne voudrait pas devenir un vieil inutile que personne ne regarde, ni écoute, et qui encombre plus qu'autre chose.

Heureusement, l'été, il se rend bien compte qu'il est un guerrier dans la force de l'âge et bien plus capable que les petits jeunes comme Donnos et Robios de dresser un étalon ou de trouver les traces d'un ours.

Donnos n'a pas apprécié le mariage de sa soeur, et le résultat assez inattendu en est qu'il est devenu inséparable de Robios. En toutes occasion, chacun d'eux cherche à prouver à l'autre ce qu'il sait faire. Le clan est unanime à reconnaître que cette concurrence est excellente pour eux, car elle les oblige à se perfectionner sans cesse.

Culantos et Bréa, eux, constatent, assez perplexes, que les deux jeunes gens, quoi qu'ils prétendent, commencent à se lier d'une amitié assez solide et que personne n'aurait pu prédire un an plus tôt... A moins que, peut-être, le vieux Maol, ce fin renard, n'y aie songé ?

Quand Culantos voit le bois amené pour la grande hutte, il entre en une violente colère. Bréa doit l'amener à l'écart pour discuter.

Cette hutte, c'est le signe que le clan ne repartira pas avant un certain temps. Epocatos serait fâché, dit Culantos. Bréa n'est pas de cet avis. Maol a toujours voulu que le clan trouve un lieu où s'arrêter, et ce territoire giboyeux, tranquille et doté de bons pâturages semble parfait.

Chacun d'eux insiste.

Culantos sait que, pour le moment, Bréa est maître du clan. C'est lui, qui sera écouté, s'il faut demander leur avis. Il lui accorde la grande hutte, mais exige que les familles se répartissent en petits villages plus ou moins distants, pour que les bêtes ne pâturent pas au même endroit. Bréa acquiesce. C'est bien ainsi qu'il l'entendait. Il n'est pas idiot. Il sait que si tout le clan fait paître ensemble ses chevaux et ses chèvres, avant peu, ce pâturage sera détruit.

*

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