Boeuf en guise d'ours

Ou comment, quand le seigneur s'en est revenu bredouille de la chasse à l'ours, un bon cuisinier saura faire en sorte qu'on parvienne à servir à table de cette viande...

Recette du  Ménagier de Paris, présentée dans "Histoire Médiévale" n°14.

Prendre 8 tranches de paleron de boeuf par personne

Note perso = je crois qu'il y a ici une erreur et qu'il faut comprendre "2 par personne, 8 au total", recette pour 4 personnes.

 Le laisser faisander une journée sous un voile propre.

Prendre 400g de gite de boeuf et le broyer finement.

Mettre le boeuf dans une casserole et couvrir de vin rouge.

Faire mijoter en rajoutant 2 cuillers de poudre de gingembre, 4 cuillers de poudre de clous de girofle, 1 cuiller de poivre moulu, 2 cuillers de maniguettes broyées.

"et met en chascune escuelle deux et le mengut l'en a saveur d'ours"

Servez 2 morceaux par écuelle.

La viande aura le goût de viande d'ours.

Ca, c'est ce que dit la recette...

En réalité, s'il faut en croire Michel Pastoureau, la saveur de la viande d'ours relève plutôt d'un mythe né au temps où cet animal était encore le "roi des animaux".

Ajoutez à cela qu'elle serait dure et peu gustative en fait... Finalement, le cuisinier a tout intérêt à faire passer du boeuf pour de l'ours, même si ours il y a réellement dans les cuisines ! Le festin n'en sera que meilleur...

Vous me direz, de nos jours, offrir un festin de viande d'ours pourrait être mal vu... Alors c'est pas plus mal si on a le droit de ne pas faire semblant que c'est pas du vrai (ça va, z'avez suivi?).

Mais rien ne vous empêche d'avoir une pensée pour ce bon seigneur dont le cuisinier préparait discrètement un boeuf discrètement abattu et porté aux cuisines pendant la chasse à l'ours, afin que les nobles dames ne brisent point leurs blanches quenottes...

La recette en VO, elle dit quoi, au fait ?

Boeuf comme venoison d'ours. Du gite de beuf fait en saulce noire de gingembre, clo de girofle, poivre long, graine, etc. Et met en chascune escuelle deux et le mangut l'en a saveur d'ours. 

Comme bien souvent dans les recettes médiévales, les épices sont dosées avec un flou particulièrement artistique qui laisse au maître queux toute latitude pour exercer son art.

Pourtant, il n'est nullement question d'une méthode pour durcir la viande, ou lui donner une coloration particulière (ah si, ça si... Voyez quoi ?). Tout se loge dans les épices. Aucune méthode de cuisson particulière, ni de marinade.

Si vous voulez mon avis, au fond, tout ça fait un peu publicité mensongère, sur un truc que tout le monde, en plus, sait que c'est pas vrai, mais on s'en fiche. C'est comme les barres chocolatées Lion qui ont une saveur sauvage.

Tout est dans l'art de doser les épices pour que l'imagination des convives se trouve emportée à la chasse à l'ours...

Avec des principes pareils...

Pouvez même servir du rôti d'hippogriffe la prochaine fois

que vous recevrez des amis.

*

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Recette tirée d'un dossier sur les trucs et tours de mains en cuisine médiévale, je précise... Entre autre, ceux visant à "tricher" sur le contenu de l'assiette.

Cette recette-là vaut pas la "sauce queue de sanglier", dans ce registre ! Mais dans un autre ?

Comments

[SeleneC]

Non, non...
Justement !
Le but de la recette est de n'avoir pas besoin de tuer un ours pour en sortir un de la marmite.



Pour la girofle = je n'ai pas essayé cette recette, mais je sais d'expérience qu'on a souvent des surprices avec les épices médiévaux.
Par ailleurs, si ma supposition est exacte, la "saulce noire" décrite par le ménagier (qui ne donne pas les proportions, lesquelles sont le travail d'un reconstituteur) doit être quelque chose d'assez "puissant"

[Lance-L-Eau]

Moi je mange toutes les viandes existantes hein, on ne se refait pas, mais heu, une recette comme celle là me parait vraiment dingue, T'es sure de ton "4 cuillères de poudre de clou de girofle?? parce que s'il y a bien un ingrédient qui aromatise fortement c'est bien le clou de girofle, alors 4 ??
Bref je vais y goûter quand même, le jour ou je tuerais un ours bien sur...
Bises moyenâgeuses.