Reptilement originel ...

Cosmogonie= des mots grecs "kosmos" (le monde, l'univers) et "gonos" (procréation, ou ici création)

Autrement dit = les mythes relatifs à la création du monde et à sa mise en forme pour qu'il devienne ce que nous connaissons ou à peu près.

Ca ne manque pas, les mythe de création du monde. C'est normal... Tous les peuples ont été amenés à se poser la question "quoi qu'y avait avant qu'il existe le monde ?". On a d'ailleurs pas encore tout à fait résolu la question avec la notion de Big Bang, parce que si le Monde a commencé un jour, le Temps, lui est probablement infini et du coup :  "quoi qu'y avait avant qu'il existe le monde ?" qu'on peut se demander encore. Bon. Hors-sujet, là.

Puisque je voulais parler de reptiles, ne serpentons pas trop et parlons de reptiles.

Bon, là tout de suite, quand on pose sur une feuille "cosmogonie + reptile" je sens venir derrière le signe "égale" le serpent du jardin d'Eden. C'est vraiment pas normal.  Devrait y avoir prescription depuis le temps, et en plus il avait pas d'avocat ce pauvre serpent. 

Qu'on le veuille ou non, la culture occidentale moderne est restée fortement marquée par les religions "du Livre", et cela vaut pour les athées aussi bien que pour les autres. Ca s'est ancré au fil des siècles et vous aurez beau chercher dans tout ce qui vous semblera le plus laïc possible, vous retomberez toujours sur des éléments ayant gardé ici ou là quelques résidus religieux. C'est encore plus valable pour les éléments qui sont jointifs aux trois religions "du Livre", comme c'est le cas du jardin d'Eden. C'est pourquoi quand on parle de serpent, il serait téméraire de dire que nous portons sur cet animal un regard identique à celui qu'avaient les premiers héllènes ou les premiers celtes... Mais de cela nous reparlerons. Aujourd'hui, je vais m'en tenir au Proche-Orient. Pas vraiment que j'y tienne à revenir sur ces histoires de pomme, mais pour pouvoir causer sereinement de serpents orientaux et occidentaux, ça peut être utile de commencer par là.

J'ai déjà parlé de reptiles cosmogoniques proche-orientaux dans un autre article... Mais pour bien aborder la cosmogonie qu'est la Genèse, un petit rappel du système de pensée des cultures sumérienne, babylonienne, etc. va être nécessaire.

Je vais avant cela prendre le temps de tordre le cou d'une idée typiquement héritée du système judéo-chrétien (ça marche aussi pour l'Islam, je crois) que j'accusais, un rien plus haut, d'avoir moulé nos façons de penser... Idée que j'ai trouvée écrite dans un article pourtant très intéressant, sur la mythologie celte. A savoir que la créature n'a pas la possibilité de maîtriser ni détruire son créateur. N'importe quel gamin de 12 ans passionné de légendes grecques vous dira que Chronos a été vaincu par son fils Zeus. Ce à quoi on peut ajouter que Chronos en avait fait autant à son propre père, Ouranos... Selon un mythe assez proche de celui de Tiamat, Apsou et Mardouk.

Résumons: Le liquide originel. Dans ce liquide, deux masses vivantes, deux dragons divins, énormes masses d'eau bouillonnante d'énergie divine. L'un est constitué d'eau douce et se nomme Apsou, l'autre d'eau salée et se nomme Tiamat. Dans cet océan originels que constituent nos deux dragons amoureux naissent bientôt une deuxième génération de dieux, qui trouvent malgré l'absence de monde, moyen de se reproduire (3° génération). On arrive assez vite à la quatrième génération et là, ça va péter dans les chaumières (sauf qu'y en a pas) parce que Mardouk est arrivé.

La suite ressemble comme deux gouttes d'eau au début de la Genèse (cliquez ICI pour consulter le texte). Le verset 1 est une introduction. Le verset 2 fait l'état des lieux avant intervention divine. Au verset 3 arrive la lumière, indispensable pour découper le Temps en jours et le mesurer (d'une certaine façon c'est la naissance du temps puisqu'en l'absence de repère il n'existait que l'infini...). Au verset 6 quelque chose est placé entre les eaux pour les séparer en deux parties (création de l'athmosphère). Au verset 9 les eaux du dessous se retirent et la terre (d'où elle sort celle-là?) apparaît. Petit détail amusant : ce n'est qu'au verset 14 et le 4° jour que sont créés le soleil et la lune. Sûrement que ça faisait désordre de laisser la lumière se balader toute seule... La végétation ayant été créée le 3° jour. Sûrement des plantes non chlorophylliennes.

Quand c'est Mardouk qui s'y colle, c'est moins savant et y'a plus d'action. Simple comme "Hé, Pépé-Mémé, ça vous ferait rien de nous laisser un peu d'air ?". Enfin, presque aussi simple que ça, parce qu'Apsou a mauvais caractère et Tiamat encore plus. Comme les chiens font pas des chats, ça se termine façon massacre à la tronçonneuse. Comme faut rien laisser perdre et que le cadavre de Tiamat est assez gigantesque, Mardouk s'en sert pour créer la voûte céleste, l'océan et même la terre. Après y'a plus qu'à se reposer. Et pour pouvoir le faire en toute tranquillité, les dieux auront l'idée supra-géniale d'inventer les humains afin qu'ils viennent leur apporter de quoi manger. Comme ça pas besoin d'aller à l'hypermarché (en plus avec quatre ailes dans le dos, pas facile le passage à la caisse). Pas de question de Bien ou de Mal, c'est comme ça parce que c'est comme ça, et un point c'est tout on ne discute pas.

Un truc comme ça : les démons de l'Antiquité babylonienne ou sumérienne ne sont pas des êtres mauvais par essence. Ils sont dangereux, et terriblement agités, mais dans un système mythologique où tous les dieux sont assez terribles et ceux qui n'aiment pas se remuer (les dieux proprement dit, quoi) peut-être plus encore que les autres, finalement... Boooooof ? D'autant qu'ils ne sont pas forcément aussi puissants que ces fichus dieux aux colères quasi-infinies. 

Qu'en est-il du serpent du jardin d'Eden ? Un animal ? Peu probable. D'où lui viendrait son savoir ? Un "démon" de type divinité sumérienne ?

Retour aux traditions mésopotamiennes... Les hommes ayant été créés, et accomplissant leurs tâches plus ou moins bien (variations d'un individu à l'autre), se distingua un individu particulièrement méritoire. Les dieux l'invitèrent à un de leurs banquets, mais le dieu dont il était prêtre lui dit de ne pas boire ni manger pendant ce banquet sans quoi il mourrait. Obéissant, le brave homme se plia à l'interdiction. Après le banquet il se rendit compte qu'il avait laissé échappé l'occasion de devenir lui aussi un dieu. A l'inverse... Une autre légende raconte comment (encore une histoire de bouffe) un dieu se trouva coincé dans le monde souterrain, celui des morts.

Ce qui nous amène à trois univers différents, mine de rien et trois façons d'exister. Notre monde, le monde des dieux (monde ouranien supposera-t-on) et le monde chtonien. Ici, l'opposition entre dieux ouraniens et chtoniens semble fonctionner. Le panthéon du Moyen et Proche-Orient met en bonne position les divinités liées aux étoiles et au vent...  

Dans le système décrit par la Genèse c'est tout de suite plus simple... Il y a la vie et la mort. L'existence et la non-existence. On ne parle pas de ce qui est après la mort, quand à Dieu, étant un souffle, un esprit, une parole, il est logique qu'il ne lui soit pas décrit de séjour.  Au mieux, dans différents passages bibliques, on remarque que les endroits isolés font de bons points de contact avec lui. C'est tout.

Quand à l'histoire de la pomme ou plutôt du fruit (voir article sur la pomme)... Genèse chap 2 verset 17, que ça débute. C'est l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal, mais au fil du temps, et peut-être aussi par jeu de mot (culpabilisateur?) c'est devenu l'arbre où pousse le fruit du péché originel. Lequel péché, de prime abord, aurait pu n'être que le résultat d'un acte de désobéissance commis par naïveté, non ? En même temps... Dès l'instant où Lucifer (pisqu'à ce qu'on raconte ça serait lui le serpent?) a énoncé quelque chose d'inverse (en apparence) à ce que Dieu a dit, et donné un conseil absolument inverse, il faut que les humains primordiaux se posent la question "qui dois-je croire ?".

Sur l'image postée ci-dessus (dans la vignette rouge), l'arbre porte deux sortes de fruits. Eve en a cueilli un. Par elle arrivent les malheurs de l'Humanité. C'est le fruit qui donne la capacité d'avoir honte quand on est nu et à cause duquel les humains meurent. Marie en a cueilli un autre et le tend aux humains à son tour. Il faut supposer que ce fruit-là est le fruit salvateur ?

 Un peu manichéen, mais très représentatif de la fin du Moyen-Age...

Je reviens au serpent... La Genèse ne donne pas beaucoup de précisions sur lui, mais des traditions disent qu'il s'agirait de Lucifer, lequel était en ce temps-là un ange. Vous noterez l'originalité de la situation : une entité qui n'est rien de plus qu'une émanation du souffle créateur et ordonnateur du Monde trouve le moyen de se retourner contre lui... Bon, je sais que la mythologie réserve des tas de surprises, mais j'ai un peu de mal à recoller les morceaux, là. Normal vous direz, parce que ledit souffle a l'air très fâché avec ladite entité. Fâché au point de créer le diable ? C'est un peu dur à avaler mais finalement ça revient un peu à ça... Sauf que la Genèse parle seulement de serpent et d'une pauvre bête sur qui on marche quand elle rampe dans la poussière.

Je sais pas, moi... Le petit bout de souffle échappé s'était peut-être caché dans une branche d'arbre (une branche, un serpent... Pas si différent, hein ?), pour qu'on en arrive à ce résultat ? En tous cas, le divin courant d'air aurait mieux fait d'éviter de se disperser en entités pas toujours bien coordonnées entre elles. On en serait pas là...