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La harpe du driseoc
8 novembre 2009

* La taverne de Diogène - IV -

Retrouver l'épisode 1

Texte_Tav_Diogene

Cette terrible journée resta ancrée dans la mémoire de chacun des enfants de Margot et Théophile pendant des années, y compris dans celle de Marinette, qui n'avait pourtant pas encore deux ans pleins. Seule Gatienne, qui dormait paisiblement dans son couffin et ne s'était rendue compte de rien eut le désespoir d'avoir été présente et de ne pas se souvenir.

Tandis que la mère Moniot examinait d'un oeil soupçonneux les deux arrivants en se demandant s'il fallait les inviter à partager le repas du soir ou bien les envoyer se faire cuire un oeuf à l'auberge du village le plus proche, que Margot faisait montrer à toute sa marmaille des mains plus sales que propres mais qui le resteraient parce qu'il n'y avait ni source ni ruisseau près de ce charmant pré où la taverne s'était arrêtée pour la nuit et pendant que le Père Moniot et Théophile achevaient d'enfoncer dans le sol les piquets pour attacher les mules (toujours à s'ensauver ces bêtes-là!), lesdits arrivant, l'un saisissant un gourdin (que personne n'avait remarqué jusque là), l'autre arrachant du sol un jeune arbre et le débarrassant de ses branches (même ustensile, au final, mais au moins, comme le fit immédiatement remarquer Constance à Bernardine, on sait où il l'a trouvé). Ceci fait, ils eurent, ainsi que le souligna Constance (encore elle) un instant d'hésitation, se penchant (se penchant même beaucoup, en raison de leur très grande taille, nota Bernardine) sur Edmonde, puis sur Marjolaine, puis sur Rolande, puis encore sur Edmonde, et ainsi de suite, avant, finalement, de se regarder l'un l'autre, puis de chercher aux alentours.

 

2009-11-08

 

Ici, Armande fit à l'oreille d'Ermeline la remarque qu'ils devaient être en train de chercher Alban et qu'il était heureux qu'il soit encore dans le sac à couture de Marjolaine. S'étant grattée le nez pour marquer que la chose méritait d'être réfléchie, Ermeline se haussa sur la pointe des pieds pour répéter la chose à l'oreille de Constance, parce que Constance était la plus maligne de la famille et qu'elle saurait lui dire si c'était bien comme ça. On vit alors une paire de petits yeux toujours plissés s'agrandir, puis Constance, tiraillant ses deux nattes en même temps, consulta Bernardine, qui fit appel à son tour à Jacquette, laquelle fut empêchée de consulter Diogène par Théophile qui entendait, attaque de malvoulants ou pas, voir ses enfants manger leur repas chaud.

Pendant ce temps, les deux individus armés de gourdins mais dénués de cervelle (même d'une seule pour deux) avaient pris le parti que l'un d'eux empile Edmonde, Marjolaine et Rolande comme des assiettes sur les bras solides de l'autre et dépose le gourdin désormais non tenu par-dessus la pile.

- « Je vous de m'excuser, messieurs, mais si vous avez envie d'enlever mes filles, faites-le après le repas, ça vaudra mieux... Sinon, vous allez devoir leur trouver à manger, et je vous préviens, celle-là, elle est difficile. »

Edmonde, se sentant sans doute visée, rougit, ce qui eut pour effet que le plus chevelu des deux monstres, arrachant Marjolaine et Rolande des bras de son compagnon, les jeta à terre sans ménagement, l'air d'être sûr que c'était bien celle-là qu'ils cherchaient.

- « Je me demande s'ils savent parler autrement qu'en grognant » lâcha Constance entre deux cuillers, sur un ton un peu évaporé, qui fit craindre à Margot qu'elle oublie de manger et lui fit, par conséquent, venir reverser de la porée à la savante de la famille (on ne sait jamais).

Tandis que Rolande et Marjolaine se relevaient en se débarrassant l'une l'autre des épines de pins restées accrochées à leurs robes (a-t-on idée de jeter les gens dans des épines!), un grondement se fit entendre dans l'un des sacs à ouvrage. Celui de Marjolaine, pour être exact... Vous l'aurez compris, c'était Alban, mais un un Alban pas tout à fait comme d'habitude. Un Alban qu'on avait encore jamais vu. Un Alban tout de noir vêtu, portant immense cape semblant de fourrure d'ours, coiffe de feutre noir orné de médaillon d'argent, ceinturon tout de grosses plaques gravées de toutes les phases de la lune, et tenant contre lui un grimoire relié de cuir noir et renforcé de ferrures blanches comme argent pur. Plus inquiétant encore: ses jolies boucles blondes étaient devenues noires. A son côté, le petit poignard tout fin avait laissé place à une dague de belle taille qui valait presque une bonne épée.

- « Holà ! Veuillez lâcher cette demoiselle et venir vous battre, si vous l'osez ! Ce sera aux armes de votre choix!

- Heuuuooonnnn ????

- Aaaagghh ? Mmmmhhh ??? »

Hochant la tête en avalant sa porée, Constance leva un doigt pour donner indication à Bernardine de dire sa pensée.

- « Ils ne parlent pas. »

Pensée qui, si elle était bien celle de Constance fut cependant très vite démentie.

- « Il nous prend pour qui, l'autre, là ?

- On est des bandits, pas des chevaliers.

- Je ne suis pas chevalier non plus, mais cette demoiselle est soeur de celle que j'aime. Je ne laisserai personne lui faire du mal.

- Ah zut... On s'est trompés... Normalement, on doit enlever la fiancée du neveu du roi.

- Le neveu du roi c'est moi, là d'où on vient, vous et moi, mais ici, je ne suis rien, même pas le fiancé de qui que ce soit... Pas encore... Et vu la tête que tirent les parents et les grands-parents de ma mie, je doute que ça change bientôt.

- Ah... C'est notre faute, ça prince Ignacio... On aurait pas dû attaquer comme ça, sans se renseigner avant...

-Pis c'est embêtant, prince Ignacio... On fait quoi, si on peut pas enlever ta promise et que tu peux pas nous ratatiner pour ça ? »

Alban (?) eut alors un petit rictus assez inquiétant, avant de répondre sur le ton le plus courtois qui puisse être :

- « Oh... Si cela peut vous donner satisfaction, je suis tout à fait d'accord pour un combat. Je crois vous l'avoir déjà fait entendre

- Ca va pas, prince... C'est pas comme ça que ça doit se passer.

- Ouais. Il a raison. C'est pas comme ça.. »

Ici, Diogène, désireux, pour une fois, de ne pas être pris de vitesse par ses soeurs, se hasarda à commenter tout haut :

- «  En vrai, dans le livre, le combat, il a même pas lieu. C'est que des vantards, ces deux-là. Dans le livre, quand le prince avec son armée de fantômes, il les poursuit, ils se sauvent comme des lapins et la princesse, elle en profite pour se sauver. »

Un peu inquiet, Théophile regarda son fils un instant, puis, certain qu'il ne mentait pas, se promit, à la première occasion, de demander à son ami copiste ce que c'était que ce prétendu roman de chevalerie où on croisait des princes sorciers et dont les personnages étaient tellement réels.

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Episode 5

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